Le passé est ma drogue.
Je ne fume pas, ni tabac, ni shit.
Je ne bois que rarement, une fois par semaine (certes, c'est plus que rarement, mais on va dire que c'est plus lié à un rituel qu'à une vraie envie), et sûrement pas pour "aller mieux".
Je ne me drogue pas non plus, drogue dure j'entends.
Ecrire est mon exutoire. Mais pas que.
Lorsque les journées sont comme aujourd'hui, c'est à dire compliquées (entre les problèmes de l'appart et la gestion d'un nourrisson face à la solitude et le désespoir de sa mère fatiguée et que je ne peux rien faire pour arranger les choses), je me plonge dans mon passé.
Dans d'anciens mails d'une autre vie. Dans d'anciennes boites mails de blogs d'antan. Au début de l'ère 2.0 où les gens avaient de vraies choses à raconter.
Je redécouvre des conversations tenues par des fausses correspondantes (et dont je me rends compte seulement maintenant). Je relis d'anciens échanges, regarde d'anciennes pièces jointes envoyées durant ces correspondances, saupoudrées d'un zeste (un bon zeste) de coquinnerie, et regrette l'excitation et la libido du moment.
Un instant d'interdit virtuel, jeu caché entre 2 adultes consentants.
Je vous vois, mesdames derrière votre écran, à être choquées par ma démarche... "Quel porc" vous dites-vous, non ?
Et je ne peux même pas dire que j'étais célibataire à l'époque...
J'étais on va dire "virtuellement en couple".
Est ce que regarder c'est tromper ? Est ce plus dérangeant qu'une session éclair sur youporn, redtube ou xhamster ?
Et dire qu'il y a des gens qui n'ont pas d'idées libertines lorsqu'elles sont en couple...
Des femmes (parce que les mecs, bon... j'y crois moins) qui ne fantasment à aucun moment sur d'autres mecs que leur mec... Parce que c'est leur mec, et parce que je dois sûrement pas être assez amoureux pour comprendre ça.
Moi, et mes besoins de boite à secrets, de conversations interdites et autres correspondantes de jeu. Quel abjecte personnage je fais (et pourtant, dieu sait si je n'ai pas une libido si débordante que ça...)
Je me demande si derrière chacun de ces échanges de l'époque, l'émettrice, aujourd'hui, regrette d'avoir eu ce moment d'interdit, cette pause déraisonnable dans un quotidien ennuyeux, ce moment gravé à jamais qui l'aura amusée, voire parfois excitée, le temps d'un cliché avec son smartphone ou son appareil photo, pour abreuver l'insatiable soif d'interdit de l'homme fétichiste que je suis.
Certaines assument pleinement ce moment, d'autres m'ont définitivement sorti de leur vie, parce que parfois les gens veulent oublier leur vie d'avant. Ou juste oublier ce moment précis.
Voilà, c'est ça ma drogue, me rappeler de ces moments d'adrénaline, me souvenir du contenu de ce mail intitulé : "Ne pas ouvrir au boulot", et ces quelques lignes : "Bon, tu as gagné, tu voulais savoir si je portais des bas ou des collants aujourd'hui, alors voici la preuve en image, j'espère que ça te plaira !".
Ce moment de transpiration en découvrant le nom des fichiers IMG1356.jpg et IMG1358.jpg, avec cette interrogation : à quoi ressemblait la photo IMG1357.jpg.
Et ce pic de pulsation cardiaque au moment où mon curseur de souris double-clique sur ce premier fichier, où ces suites de 0 et de 1 deviennent une image d'un haut de cuisse, revêtu du haut d'un bas, avec marqué "DIM UP" dessus, moment figé dans le temps à jamais, et ou ce second fichier et surtout la transparence de sa petite culotte me laisse doucement réaliser avec joie que l'émettrice n'est pas adepte de l'épilation intégrale.
Un peu, juste assez pour deviner, pas assez pour parfaitement distinguer. La transparence parfaite, et ce sans aucun filtre instragram à la con.
La boite mail de laquelle elle me l'envoie n'est pas son habituelle, une boite mail "poubelle" ou "secrète", que je me damnerais pour pouvoir accéder...
Petit jeu entre adultes consentants et coquins, que beaucoup ne comprendront jamais, m'interrogeant d'un violent : "T'as pas l'impression de tromper ta copine et/ou qu'elle trompe son copain en faisant ça ? ".
Peut-être, peut-être pas.
Si embrasser et sucer c'est tromper, est ce que se montrer, se laisser désirer et contempler c'est tromper ?
Rien de plus qu'un peu de virtuel, avec toujours cette obligation réciproque d'être totalement anonyme (c'est à dire pas de visage) et qu'il n'y ait aucune suite IRL, car là n'est pas le but de l'échange.
Je ferme ce mail, un parmi d'autres, en me rappelant de l'endroit où je l'ai ouvert la première fois, du contexte, de l'heure, de ma situation professionnelle, sportive et amoureuse.
Est ce que c'était le bon temps ? C'était un temps. Le temps où une relation parmi d'autres existait, et apportait son quotidien d'étincelles, de surprises, d'inattendu, de parfois sans transparence parce que qu'aujourd'hui l'envie était là, le genre de relation qui ne dure qu'un temps, et qui ne périt pas, broyée par le quotidien, mais qui souvent cesser, parce que cette vie s'arrête.
J'ai eu ma drogue, qui m'a, l'espace d'un moment fait penser à autre chose qu'à mon tracas quotidien.
Retour à mes lignes de code, à mon énième café de la journée, à ma réalité, à mes jeux sur smartphone en attendant le retour à l'appart, la maman qui s'endormira sur moi avant d'aller tirer son lait à 21h10, le biberon du soir de mon fils (synonyme d'une petite nuit de plus), mon enfant à qui je parlerai doucement en lui disant qu'il est beau, qu'il doit boire doucement, que je regrette de ne pas être plus auprès de lui la journée, en pestant que son bavoir pue le lait caillé et qu'il ne doit pas s'endormir une fois de plus sur son biberon, le tout en matant un nouvel épisode de "The new girl".